cARTed Series n.123 - novembre 2001 - Besançon

On parle de nous :
La beauté, la préciosité et la sophistication des pièces de Elbe / Laborde fascine. A y regarder de près, les artistes déclinent une perception du monde à travers des rapports contradictoires et des paradoxes. Les photographies présentent constamment un regard critique sur les comportements culturels et sociaux tout en invitant les spectateurs à s'investir et donc à actualiser leur portée. L'imaginaire collectif est sollicité dans le retranchement de ces pulsions refoulées. Un corps sans désir s'impose, l'erotisme explose, la vie par essence est un excès. Si la pression cuturelle inhibe le corps, il s'agit de le faire parler, si elle régule les comportements, de montrer la subjectivité. Le travail des artistes montre les limites d'un système qui à force de médiatiser, de réguler, désincarne le monde, et qui profite insidieusement à toutes les perversions. Ces photographies convoquent avec insistance ce qui est caché, de l'expérience personnelle de chacun. L'esthétique et l'absence d'érotisme des images sont là pour offrir toute sa plénitude au besoin de "désordre", reflétant ainsi une part de la réalité, des moeurs, des idéologies et de l'environnement social.
Pourtant parallèlement le travail se situe entre cynisme et utopie. Il joue sur l'effet de fascination de la culture populaire pour critiquer et simultanément faire l'apologie du spectacle.

Les artistes cherchent à mettre en évidence et à distance les processus d'aliénation, tout en gardant la possibilité de transcender le réel par l'imagination. En explorant différentes temporalités, en retirant la narration et en insistant sur la répétition, ils créent une sorte de dépression d'hyperfétichisation de l'image. Le circuit fermé devient comme un lieu de résistance culturelle, dans une position délibérément positive. La magie du quotidien prend alors un caractère critique, glissant imperceptiblement du spectaculaire à un art de la médiation.
Devant la réalité massive des signes, Elbe / Laborde propose un nouveau type de consommation sociale des images.
A travers le regard des artistes, le territoire familier se révèle un peu plus et met à jour des extrêmes. L'observation sociale et l'exploration de ses marges peuvent paraître pernicieuses à certains, mais l'oeuvre souligne les liens qui existent entre la réalité sociale et émotionnelle, entre le personnel et le professionnel, entre l'art et la vie.

(Détourné au cuter de l'exposition Dévoler / Vive les Frac, IAC, Villeurbanne, 2001.)

carte postale de Pierre Laborde & Philippe Elbez

Cuter, Travaillons simplement !
philippe.elbe pierre_laborde