cARTed Series n.218 - avril 2007 - Mont Saint-Michel
Chacun d'entre nous peut le constater : depuis quelques années, la culture et les arts fournissent à l'état démocratique, dans le cadre européen notamment, les procédés les plus féconds, parce que beaucoup s'y laissent prendre, d'une organisation de la coexistence des citoyens et des citoyennes.
Des commémorations de plus en plus fréquentes d'évènements scientifiques (les comètes, les éclipses.) ou de publications littéraires (l'année Balzac, Nietzsche.) visent à les regrouper. Des célébrations d'évènements historiques, parmi lesquels celle de la Révolution Française en 1989, n'a pas été la moins grandiose, cherchent à dynamiser le consensus politique.
Des fêtes publiques inusitées jusqu'alors, ou inventées pour la circonstance, comme la fête de la musique, sont inscrites dans le calendrier afin de multiplier les occasions de juxtaposition des individus. Des journées d'art patrimonial, des expositions publiques sollicitent des identités culturelles fragilisées (.).
Nous vivons une époque qui se nourrit d'une foule de processus d'esthétisation, tous destinés à aider les pouvoirs à contourner les engagements politiques effectifs et la transformation envisageable du monde. Au sein des processus qu'il détermine et active pour se préserver de tout bouleversement l'état instrumentalise la culture et les arts. Il dilue puis dissout les vélleïtés de mobilisation des citoyens et des citoyennes en focalisant leur attention sur des modes, des cérémonies et des spectacles au cours desquels il n'est question que de sentir "quelque chose de très fort".
Nous sommes entrés dans une époque esthétisée, une époque substituant, par des magies spectaculaires, à l'enthousiasme politique qui devrait être notre lot de citoyen, une valorisation des agitations ludiques (.).
Extrait de "L'état esthétique". Christian Ruby
"Fosse festive"
Eau forte sur zinc. 2007.
Sabine Jauffret