cARTed Series n.079 - avril 1999 - La Boullerie
New-York, ville d'errance où tout est toujours susceptible d'arriver me captive. J'en arpente les rues dans une sorte de quête aussi infinie qu'inutile. L'appareil autour du coup sur la poitrine, je prends le temps. Juste le temps de la pose photographique. Sans choix particulier, avec un cadrage au jugé, sans porter l'appareil à l'oeil, je déclenche sans discontinuer. Coup(e) après coup(e) j'archive une tranche d'espace-temps. Des images sans qualités, juste des images-traces, des images-actes. Un effacement derrière le dispositif photographique, une dépossession volontaire du contrôle du dispositif. Laisser advenir les choses sans autre objectif que le déclenchement d'un acte photographique. Déterminer un processus et laisser toute la place à l'indétermination. Photographier pour les surprises plus que pour conforter une intention de résultat. Je déclenche ainsi du début à la fin du film, vingt quatre fois. En fait c'était vingt six. Le processus définit rend inutile toute recherche de l'instant décisif. Tout est digne de la photographie. Vingt six images semblables et dissemblables qui montrent et cachent tout autant. L'entre-deux de ces images, les manques sont tout aussi importants. Chaque coupe espace-temps désigne la rupture inhérente à la photographie. Fragment spacial, fragment temporel. Par delà toute volonté totalisatrice, l'accumulation des images reste une accumulation-juxtaposition de fragments et de manques. Images, accumulation, documents, archivage de l'état des choses. Le processus continue. Je viens de me transformer en serial photographer.
Bruno Brusa
Série : "Processus photographiques - Instants quelconques"
Extrait de : "New-York : P.a.s.s.a.g.e.s." - 26 images - livre d'artiste.